JCP - Toulouse - 20 décembre 2024 - RG 24/03242


Date de la décision : 20/12/2024
Juridiction : Tribunal Judiciaire, JCP de Toulouse
Numéro RG : 24/03242
Catégorie : Procédures d'expulsion > Squat d'habitation > Le propriétaire est une personne morale (public, entreprise, hlm) > Juridictions > Juge des Contentieux de la Protection - JCP / Cour d'Appel - CA > Délais supplémentaires - "Renouvelables"
Procédures d'expulsion > Squat d'habitation > Le propriétaire est une personne morale (public, entreprise, hlm) > Juridictions > Juge des Contentieux de la Protection - JCP / Cour d'Appel - CA > Mauvaise foi
Procédures d'expulsion > Squat d'habitation > Le propriétaire est une personne morale (public, entreprise, hlm) > Juridictions > Juge des Contentieux de la Protection - JCP / Cour d'Appel - CA > Voie de fait
Mots clĂ©s : dĂ©lai dĂ©lais de grĂące enfant enfants habitation hĂ©bergement JCP mauvaise foi morale public publique relogement trĂȘve hivernale voie de fait


Procédure : Ordonnance de JCP de Toulouse

Demandeur / Défendeur : Défendeur

Date d’ouverture du lieu : Ă©tĂ© 2024

Date d'assignation : 8 août 2024

Date du 1er report : ?

Audience du JCP : 15 novembre 2024

Propriétaire : EPFL de Toulouse

Compasition des habitant.e.s : Plusieurs familles avec enfants avec les grands-parents 

Résumé de la décision : La juge accorde le délai légal de deux mois (L.412-1) et le proroge jusqu'au 6 juillet 2025 (L.412-2). Elle accorde également le sursis hivernal (L.412-6).

     Sur la voie de fait : Classique, pas d'imputabilitĂ© de la voie de fait aux habitant.e.s

"Dans le cas prĂ©sent, la voie de fait serait constituĂ©e par le changement de la serrure de la porte d'entrĂ©e, ce qui n'est pas dĂ©montrĂ© et la mise en place d'une chaine et d'un cadenas. Or, les photographies prises par l'huissier ne relĂšvent aucune dĂ©gradation. Aucune voie de fait ne peut donc ĂȘtre imputĂ©e aux occupant."

     Sur la mauvaise foi : C'est une trĂšs belle dĂ©cision concernant les preuves apportĂ©es par les propriĂ©taires concernant la nouvelle notion de "mauvaise foi". Le fait d'avoir en possession des preuves datant l'occupation n'est pas constitutif de mauvaise foi. De plus, leur situation trĂšs prĂ©caire et l'impossibilitĂ© d'avoir un autre hĂ©bergement justifie le squat. 

"Sur la mauvaise foi des occupants, aucun élément autre que la connaissance de l'occupation sans droit ni titre n'est avancé et il ne saurait se déduire de cette occupation la mauvaise foi des occupants. Le fait d'avoir publié sur SECURIBOX des photographies permettant de dater de l'occupation ne constitue pas un élément de mauvaise foi d'autant qu'il n'est pas établi que ces éléments soient le fait des occupants plutÎt que celui de personnes bien informées qui leur apporté leur concours. En effet, *** ont décliné leur identité à l'huissier, ne se sont pas cachés et l'ont laissé pénétré dans les lieux, ce qui ne correspond pas à la photographie publiée sur SECURIBOX.

L'occupation illicite n'est pas contestée par les occupant mais est justifiée par leur situation trÚs précaire et l'impossibilité d'obtenir un autre logement malgré les nombreuses démarches qu'ils justifient avoir engagées. En outre, le logement ne présente aucune dégradation et est entretenu par les occupants.

En conséquence, aucun élément ne permet d'écarter les dispositions visées aux articles L.412- 1 et L412-6 du Code de procédure civile."

     Sur la prorogation du dĂ©lai lĂ©gal de deux mois : La juge a l'air de se tromper d'article car le 412-2 permet de proroger uniquement de 3 mois maximum, et non pas de fixer un dĂ©lai Ă  une date fixe (elle aurait dĂ» utiliser le L 412-3 dans ce cas prĂ©cis...). Mais quoi qu'il en soit, la juge accorde des dĂ©lais plus larges car le propriĂ©taire n'a aucun projet sur le lieu et qu'il y a beaucoup de locaux vides alors que l'hĂ©bergement d'urgence est saturĂ©. 

"La situation du logement social dans le département est connue et la présence de locaux habitables vacants, sans projet actuel ou imminent, justifie qu'un délai supplémentaire leur soit accordé jusqu'à la fin de l'année scolaire soit jusqu'au 6 juillet 2025."

     Bonus : La juge envoie une petite pique gentille Ă  la mairie et Ă  l'EPCI...

"Rappelle qu'il appartient au maire de TOULOUSE ou le cas échéant au président de l'établissement public de coopération intercommunale, s'il est délégataire de tout ou partie des réservations de logements en application de l'article L. 441-1 du code de la construction, de prendre les dispositions nécessaires pour héberger ou reloger les occupants"

Assignation :

Un procĂšs est engagĂ© contre toi, tu es « assignĂ© Ă  comparaĂźtre » et ça veut dire que le tribunal te demande de te rendre Ă  une audience. Il s’agit donc d’une action, mais aussi d’un document que tu reçois en main propre de l’huissier.e. Si jamais tu es absent.e, tu reçois un courrier de l’huissier.e qui t’informe que le document est disponible Ă  son cabinet. C’est assez important d’obtenir ce document, sans lequel tu peux ne pas savoir quel est le jour de ton procĂšs, et donc le louper.
Tu peux en voir un exemple ici


Dégradations :
Le fait de dĂ©tĂ©riorer de façon volontaire ou non un bien. La peine encourue augmente si le bien est protĂ©gĂ© (classĂ© au patrimoine par exemple). 

Délai de grùce :
Un dĂ©lai de grĂące est une pĂ©riode dĂ©finie donnĂ©e par une juge afin d'accorder plus de temps Ă  l'occupant du logement en vue de le libĂ©rer intĂ©gralement. Il est dĂ©terminĂ© par l'article 412-3 du Code de procĂ©dure civile. 
Ce dĂ©lai fait suite Ă  la remise du commandement Ă  quitter les lieux. Dans un dĂ©lai de deux mois, on peut saisir le juge par voie de requĂȘte ou d'assignation pour demander un dĂ©lai supplĂ©mentaire, de 1 mois Ă  1 ans. 
A noter :  la saisine du juge ne suspend pas la procĂ©dure d’expulsion.

Entrée par voie de fait :
L'entrĂ©e par voie de fait est le fait d'entrer dans un bĂątiment de façon illĂ©gale. Hormis si la porte Ă©tait ouverte, quasiment toute autre façon d'entrer peut tomber sous le coup de cette appellation. Lors d'un jugement pour squat, la preuve de la voie de fait est Ă  apporter par le propriĂ©taire. 

Juge des Contentieux de la Protection (JCP) :
Le JCP est le Juge des Contentieux de la Protection. Il siĂšge au tribunal judiciaire ou au tribunal de proximitĂ©, anciennement tribunal d'instance. Il est en charge, entres autres, des affaires d'expulsion. Il statue dans le pĂ©rimĂštre gĂ©ographique qui lui est attribuĂ©. 

Mauvaise foi :
 Le terme n'est pas clairement dĂ©fini dans la loi mais le juge peut considĂ©rer que tu es de mauvaise foi si tu squattes ou si tu ne paye plus ton loyer parce que tu sais que tu es dans une situation illĂ©gale . 
Pour certains juges, cette notion s’applique donc Ă  tous les squatteuses : elles connaissent la loi, et la violent en consĂ©quence. Pour d’autres tribunaux, cette notion s’applique si la personne n’est pas en mesure de prouver qu’elle a essayĂ© de se loger d’une autre façon, en faisant une demande de logement social par exemple. 

 Depuis la loi Kasbarian, cette caractĂ©risation permet au juge de se passer du dĂ©lai de deux mois aprĂšs avoir reçu un commandement de quitter les lieux.

TrĂȘve hivernale :
La trĂȘve hivernale couvre la pĂ©riode du 1er novembre au 31 mars de l'annĂ©e suivante. Durant cette pĂ©riode, les expulsions locatives ne peuvent pas avoir lieu. Cette trĂȘve ne s'applique pas aux squatteur.euse.s pour lesquel.le.s la voie de fait a Ă©tĂ© retenue. 

Tribunal Judiciaire (TJ) :
Pour les procédures civiles et pénales : concerne tous les tribunaux en premiÚre instance (premier jugement). [Il regroupe les anciens Tribunaux d'Instance et de Grande Instance].

Au sein du TJ, il existe plusieurs chambres spécialisées (différents spécialisation de tribunaux) :
  • ProcĂ©dure civile (c'est a dire lorsque le propriĂ©taire du batiment n'en fait pas un usage public) Cela comprend :
    • TRIBUNAL DE PROXIMITE / JUDICIAIRE : en tant que squatteur.euse, tu es gĂ©nĂ©ralement confrontĂ© au Juge du Contentieux et de la Protection (JCP).
    • JEX(Juge de l'exĂ©cution (juge spĂ©cialisĂ© au sein du TJ) juridiction particuliĂšre Ă  saisir aprĂšs une dĂ©cision judiciaire qui a aboutit sur un commandement de quitter les lieux. Il sert Ă  demander des dĂ©lais dans l'execution de la peine. Dans le cadre du squat c'est ce qui peut nous permettre de gagner des dĂ©lais avant l'expulsion, en fonction de la situation personnelle des habitant.es (prĂ©caritĂ©, prĂ©sence d'enfants inscrits Ă  l'Ă©cole, maladie, absence de solution de relogements...). Il ne peut pas revenir sur l'expulsion, mais seulement sur le moment de son execution.

  • ProcĂ©dure pĂ©nale
    • TRIBUNAL CORRECTIONNEL : concerne les dĂ©lits et crimes
    • TRIBUNAL DE POLICE (pour les procĂ©dures pĂ©nales) : concerne les contraventions jusqu'Ă  3000 euros (dĂ©gradation d'un bien par exemple).

Voie de fait :
En droit civil et en droit administratif, la “voie de fait” dĂ©signe un acte illĂ©gal portant atteinte aux droits de la personne ou aux libertĂ©s fondamentales. Dans notre cas, il s'agit de porter atteinte au droit de propriĂ©tĂ© qui a Ă©tĂ© revalorisĂ© par la loi Kasbarian. 
 
Si tu es occupant.e, tu peux ĂȘtre accusĂ©.e par dĂ©faut des dĂ©gradations qui ont permi de rentrer dans le batiment (c’est l’entrĂ©e par voie de fait) mĂȘme si rien ne prouve que c'est toi qui les a commises : effraction, vitre cassĂ©e, changement de serrure...

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